Prix du roman Fnac : Connaissez-vous le lauréat 2023?
Ami.e.s De Lire bonjour,
Tous les mercredis, je vous présente un ouvrage lauréat d'un prix littéraire en cours en commençant par l'incipit.
L'incipit, c'est la première phrase ou le premier paragraphe d'un roman, qui a pour but de capter l'attention du lecteur et de lui donner envie de poursuivre sa lecture.
Aujourd'hui j'ai l'honneur de vous présenter le lauréat du Prix du roman Fnac 2023 et voici comment cela commence :
Ceci démontre que les premières lignes d'un roman peuvent donner le ton à une œuvre magistrale!
LE SAVIEZ VOUS ?
Le prix du roman Fnac est un prix littéraire français créé en 2002 par la chaîne de magasins Fnac.
Le prix est attribué fin août ou début septembre par un jury composé de 400 adhérents et de 400 libraires de la Fnac, qui le désignent parmi les trente titres qu’ils ont préalablement sélectionnés après la lecture de plusieurs dizaines de romans pendant tout l’été. Le prix récompense un roman exceptionnel, parmi les romans français ou étrangers de la rentrée littéraire.
Le lauréat reçoit une dotation de 15 000 euros et bénéficie d’une campagne de promotion dans les magasins Fnac et sur leur site internet. Le prix du roman Fnac ouvre le bal des prix littéraires et donne souvent un coup de pouce aux ventes du livre primé.
Le jury est composé de 800 personnes, dont 400 adhérents et 400 libraires de la Fnac. Les adhérents sont recrutés par un appel à candidature sur le site de la Fnac, tandis que les libraires sont choisis parmi les experts du rayon littérature. Les jurés reçoivent une dizaine de romans à lire pendant l’été et doivent voter pour leurs trois préférés. Le vote se fait en ligne, via une plateforme sécurisée. Le jury est renouvelé chaque année.
La cérémonie du Prix du Roman Fnac 2023 aura lieu le samedi 11 septembre au Théâtre Edouard VII à Paris. Elle sera animée par Augustin Trapenard, journaliste et critique littéraire, et réunira le lauréat, les finalistes, les membres du jury et les partenaires du prix. La cérémonie sera suivie d’une séance de dédicaces et d’un cocktail.
LE PRIX DU ROMAN FNAC 2023 EST :
Le roman s'intitule Veiller sur elle de Jean- Baptiste Andrea paru en août 2023 aux éditions L'Iconoclaste, 592 pages.
Présentation de l'éditeur :
Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure. Mais il a du génie entre les mains.Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini. Héritière d'une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l'ombre d'un palais génois. Mais elle a trop d'ambition pour se résigner à la place qu'on lui assigne.
Ces deux-là n'auraient jamais dû se rencontrer. Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l'autre. Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l'Italie bascule dans le fascisme. Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s'il doit perdre Viola ?
Un roman plein de fougue et d'éclats, habité par la grâce et la beauté.
Jean-Baptiste Andrea est auteur, scénariste et réalisateur. En seulement trois livres (Ma Reine, Cent millions d'années et un jour, Des diables et des saints), il a conquis 100 000 lecteurs et reçu 18 prix littéraires, dont le Grand Prix RTL-Lire.
BONUS DE LIRE DÉLIRE
Pour vous inspirer, je vous propose ci-dessous la lecture des premières lignes du Prix du Roman FNAC 2023 :
Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l’abbaye en ce jour d’automne 1986, au bout d’une route à faire pâlir ceux qui l’empruntent. En mille ans, rien n’a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux cœurs solides – il faut l’être quand on vit perché au bord du vide –, trente-deux corps qui le furent aussi, dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins. Les frères forment un cercle autour de celui qui s’en va. Il y a eu bien des cercles, bien des adieux, depuis que la Sacra dresse ses murs au-dessus d’eux. Il y a eu bien des moments de grâce, de doute, de corps arc-boutés contre l’ombre qui vient. Il y a eu et il y aura d’autres départs, ils attendent donc patiemment. Ce mourant-là n’est pas comme les autres. Il est le seul en ces lieux à ne pas avoir prononcé de vœux. Pourtant, on lui a permis de rester pendant quarante ans. Chaque fois qu’il y a eu un débat, des questions, un homme en robe pourpre est arrivé, jamais le même, pour trancher. Il reste. Il fait partie du lieu, aussi sûrement que le cloître, ses colonnes, ses chapiteaux romans, dont l’état de conservation doit beaucoup à son talent. Alors ne nous plaignons pas, il paie son séjour en nature. Seuls ses poings dépassent de la couverture de laine brune, de chaque côté de la tête, un enfant de quatre-vingt-deux ans en proie à un cauchemar. La peau est jaune, au point de rupture, vélin tendu sur des angles trop vifs. Le front luisant, ciré par une fièvre grasse. Il fallait bien qu’un jour sa force le lâche. Dommage qu’il n’ait pas répondu à leurs questions. Un homme a droit à ses secrets. D’ailleurs, ils ont l’impression de savoir. Pas tout, mais l’essentiel. Parfois, les avis divergent. Pour tromper l’ennui, on se découvre des ardeurs de commère. C’est un criminel, un défroqué, un réfugié politique. Certains le disent retenu contre son gré – la théorie ne tient pas, on l’a vu partir, et revenir –, d’autres affirment qu’il est là pour sa propre sécurité. Et puis la version la plus populaire, et la plus secrète, car le romantisme n’entre ici qu’en contrebande : il est là pour veiller sur elle. Elle qui attend, dans sa nuit de marbre, à quelques centaines de mètres de la petite cellule. Elle qui patiente depuis quarante ans. Tous les moines de la Sacra l’ont vue une fois. Tous aimeraient la revoir. Il suffirait d’en demander la permission au padre Vincenzo, le supérieur, mais peu osent le faire. Par peur, peut-être, des pensées impies qui viennent, dit-on, à ceux qui l’approchent de trop près. Et des pensées impies, les moines en ont bien assez comme ça quand ils sont poursuivis, au cœur du noir, par des rêves au visage d’ange. Le mourant se débat, ouvre les yeux, les referme. L’un des frères jure y avoir lu de la joie – il se trompe. On pose un linge frais sur son front, sur ses lèvres, avec douceur. Le malade s’agite encore et pour une fois, tous sont d’accord. Il essaie de dire quelque chose.Bien sûr que j’essaie de dire quelque chose. J’ai vu l’homme voler, de plus en plus vite, de plus en plus loin. J’ai vu deux guerres, des nations sombrer, j’ai cueilli des oranges sur Sunset Boulevard, vous ne croyez pas que j’aie quelque chose à raconter ? Pardon, je suis ingrat. Vous m’avez vêtu, vous m’avez nourri alors que vous n’aviez rien, ou si peu, quand j’ai décidé de me cacher parmi vous. Mais je me suis tu trop longtemps. Fermez les volets, la lumière me blesse.Il s’agite. Fermez les volets, mon frère, il semble que la lumière l’incommode. Les ombres qui me veillent à contre-jour, sur un soleil de Piémont, les voix qui s’ouatent à l’approche du sommeil. Tout est arrivé si vite. Il y a à peine une semaine on me voyait encore au potager, ou sur une échelle, il y avait toujours quelque chose à réparer. Ralenti par l’âge, mais vu que personne n’aurait parié sur moi à ma naissance, il y avait de quoi forcer l’admiration. Et puis un matin, je n’ai pas pu me lever. J’ai lu dans les regards que c’était mon tour, qu’on ferait bientôt sonner le glas et qu’on me porterait au petit jardin face à la montagne, où les coquelicots poussent sur des siècles d’abbés, d’enlumineurs, de chantres et de sacristains. Il est au plus mal.Les volets grincent. Quarante ans que je suis là, ils ont toujours grincé. Le noir, enfin. Le noir comme au cinéma – que j’ai vu naître. Un horizon vide, d’abord rien. Une plaine aveuglante que, à force de la fixer, ma mémoire peuple d’ombres, de silhouettes qui deviennent villes, forêts, hommes et bêtes. Ils avancent, campent au-devant de la scène, mes acteurs. J’en reconnais quelques-uns, ils n’ont pas changé. Sublimes et ridicules, fondus au même creuset, indissociables. La monnaie de la tragédie est un rare alliage d’or et de pacotille. Ce n’est plus qu’une question d’heures. Une question d’heures ? Ne me faites pas rire. Je suis mort depuis longtemps. Encore une compresse fraîche. Il semble s’apaiser.Mais depuis quand les morts ne peuvent-ils pas raconter leur histoire ?
Félicitations à Jean- Baptiste Andrea et à la maison d'édition L'Iconoclaste pour cette belle distinction.
Et vous, avez-vous déjà lu ce chef-d'œuvre ? Quel en est votre avis?
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Littérairement vôtre,
Aïkà